Newsletter n ° 15 Mars 2020
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Compte rendu du rendez-vous territoire du 26 février
L’agriculture dans le secteur Grand Paris Sud
Avec PIERRE MARCILLE
Vice-Président de la Chambre d’Agriculture
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Intervention de Pierre MARCILLE.
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Bel accueil de l'hôtel Ibis, qui cette fois nous avions consacré une salle de réunion, pour notre rendez-vous du 26 février.
Itinéraire de Pierre Marcille : depuis 1972, il est dans sa ferme à Vert-le-Grand, d'où il exploite 160 hectares. Mais il était sur la ferme familiale de 230 hectares à Bondoufle, dont 60 hectares en légumes de plein champ. Entre les deux, il a vécu une épisode dans le Cher, avant de revenir en Essonne.
Il exerce également les fonctions de Vice-Président de la Chambre d'Agriculture de la région Ile de France, dont les bureaux sont à Paris, proche de l'APCA (Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture). Cette Chambre Régionale résulte de la fusion, l'an dernier, de deux anciennes Chambres: celle de l'ouest parisien et celle de Seine et Marne. Outre ses bureaux à Paris, la Chambre Régionale dispose également de plusieurs autres implantations (techniques, juridiques…) dispersées sur toute l'Ile de France, près des agriculteurs qui ont besoin de leurs services. Le travail s'effectue par «Cercles d'agriculteurs», organisés sur les différents territoires.
Pierre Marcille est également président de la SAFER (Société d'Aménagement Foncier et Rural) de l'Ile de France, dont les bureaux sont également à Paris.
La grande culture évolue beaucoup : sur son exploitation de 160 hectares, Pierre Marcille pratique cinq cultures: blé tendre, orge d'hiver et orge de printemps pour brasserie, pois protéagineux et colza. S'y ajoutent 5 hectares laissés en couvert herbacé, au titre de la protection de la biodiversité. Car les aides de la PAC ont évolué depuis leur création, en 1992. Initialement elles se donnaient à l'hectare cultivée. Maintenant elles reposent sur deux piliers: à la production, puis au titre de l'aide à l'environnement. Cette dernière se calcule selon trois niveaux, le troisième, dit de haute valeur environnementale (HVE), impose une utilisation très faible des produits phytosanitaires.
La région d'Ile de France compte 5000 exploitations, sur 57000 hectares. À lui seul, département de l'Essonne avec compte 750. Sur la commune de Vert le Grand, il en reste 10.
Ces exploitations doivent s'appuyer sur des services complémentaires, surtout les coopératives de stockage. Elles ont connu une forte concentration depuis quelques années. C'est ainsi que la coopérative de stockage de Corbeil-Essonnes a été regroupée autour des silos de Marolles en Hurepoix. Les légumes de plein champ, comme autrefois, ont à peu près disparu.
Progrès de l'agriculture biologique : finis les haricots d'Arpajon, ou les tomates de Montlhéry. À Arpajon il reste encore un ou deux producteurs de haricots, mais la fameuse foire aux haricots existe toujours.
Ils pourraient cependant entrer dans les composants de la nouvelle agriculture biologique, qui supposent des rotations avec au moins 10 cultures, tandis que la grande culture conventionnelle se contente de trois ou quatre. Les rendements sont en baisse par rapport au conventionnel, mais les produits sont mieux payés. On assiste à un fort retour de la lentille, à côté d'autres légumes de plein champ qui demandent beaucoup d'eau. Le maïs, en régression, demande de l'arrosage, ainsi que la betterave, qui de ce fait est surtout présente au sud du département. Cette progression supposerait que l'on cherche à pratiquer des forages, ou à l'aménager des réserves d'eau, toutes choses qui ne sont pas évidentes.
Ceci est également un retour de la luzerne, qui apporte de l'azote et nettoie le sol. Elle doit rester trois ans sur la même parcelle. Une usine de déshydratation de la luzerne existe à Artenay.
La diversification des activités peut également entrer dans ce cadre de l'agriculture biologique. Il s'agit surtout de l'élevage, principalement des poules, et du maraichage. Mais cette évolution suppose le règlement de problèmes nouveaux:
- toute une filière à recréer. Les clients sont surtout la collectivité (cantines scolaires, mairies…) mais beaucoup ferment en été, principale saison de production de légumes. Il y aurait aussi la vente directe et les AMAP, mais ces circuits courts sont des lents à mettre en place.
- deux difficultés années de conversion: l'interruption des cultures anciennes limite les entrées de trésorerie, alors que de gros investissements s'imposent. Toute une série de nouveaux outils à acheter.
- besoin de main-d'œuvre supplémentaire, pas évidente à trouver.
- problème de l'eau crucial pour le maraichage.
Malgré ces obstacles, l'Ile de France vient en seconde position pour toute la France, dans la progression vers le bio. L'agriculture biologique représente environ 5% de la surface utile agricole en région Ile de France. Le Conseil Régional soutient cette évolution par de fortes subventions.
On assiste aussi à la progression des cultures pour l'énergie verte. Elle est liée à l'installation d'usines de méthanisation. Quelques projets sont en cours en Seine et Marne et dans l'Essonne. L'Allemagne a pris de l'avance dans ce domaine. Elle utilise surtout le support du maïs comme culture.
Les questions de la salle permettent d'aborder d'autres thèmes
Problème des pesticides: il est compliqué même pour les adeptes de l'agriculture de conservation. À Auvernaux, un exploitant s'est lancé dans la culture sans travail. En fait, il a besoin de glyphosate pour éliminer les mauvaises herbes. Demain, sans glyphosate la culture de conservation bénéfique pour le carbone, ne pourra subsister. C'est la formule du Brésil, qui cultive du soja OGM pour nos élevages de volaille et de porcs, alors que les OGM sont interdits en France.
Le désherbage est le gros problème de l'agriculture raisonnée. C'est en labourant que l'on désherbe le mieux. Maintenant, les agriculteurs bio reviennent au travail.
Problème des structures foncières: en Ile de France, 80% des terres sont exploitées en location (fermage). Et dans 10 ans, vu l'âge des exploitants, 50% d'entre-eux auraient disparu. Ceux qui restent sont donc en recherche de bailleurs qui achèteraient le foncier, en acceptant le laisser à disposition de l'agriculture.
Ceci suppose l'existence de fonds de portage. L'EPF (Établissement Foncier Régional) peut jouer ce rôle, mais il y a la concurrence de l'urbanisation. Il faut compter sur les PLU (Plans Locaux d'Urbanisme) pour freiner la poussée de l'urbanisation. Le préfet de Région les surveille de près, et en bloque beaucoup. Le SDRIF actuel offre d'urbaniser 1300 hectares par an, mais la poussée actuelle reste bien inférieure à ce chiffre. Cependant, l'État revend des terrains qu'il avait achetés, sur Bondoufle, Brétigny et ailleurs pour les redonner à l'agriculture.
Le rôle de la SAFER est d'intervenir dans ces questions de structures foncières, mais il est possible de contrôler les cessions par des propriétaires vendant 100% de leur propriété sous forme de pièces. La SAFER impose, par un cahier de charges, la vocation agricole des biens.
Tout cela pose la question du modèle agricole souhaité. Le choix actuel irait plutôt vers l'exploitation praticable par une famille: 200 hectares avec un atelier de diversification (élevage, maraichage…). Les très grandes propriétés, qui atteignent parfois 1000 à 2000 hectares sont très difficiles à céder. En outre, elles ont du mal à soutenir la concurrence des pays de l'Est (Roumanie, Russie…), qui pratiquent la même culture sur les sols moins fatigués, avec des rendements équivalents et des prix de revient bien inférieurs. Quelques néoruraux sont présents dans le département, orientés principalement vers le maraichage.
Les panneaux solaires, poussés par EDF, sont un autre concurrent redoutable. Ils occupent beaucoup de surface et expulsent les agriculteurs. Il s'ensuit la destruction du monde agricole, avec le dépeuplement des villages.
L'agriculture urbaine : malgré l'engouement, son rôle restera limité, en raison de la faiblesse de ses surfaces et du prix de revient de ses produits. Pour vivre du maraîchage, il faut atteindre un minimum de 2 à 3 hectares.
Sur Ris-Orangis, le projet en cours de réalisation, lancé avec une étude de la SAFER, avait aussi pour mais d'enfouir les terres polluées qui sont en-dessous. D'où l'importante surélévation du niveau de terrain. Il vise surtout des porteurs de projets avec commercialisation locale.
Changement climatique: depuis 5 à 6 ans il est palpable dans notre région. Jusqu'alors la pluviométrie annuelle était très très régulière. Depuis, elle fluctue sérieusement. En 2016, la sécheresse a beaucoup affecté le rendement des céréales. De 80 quintaux à l'hectare en moyenne, il est tombé à 40, ce qui pose des problèmes de trésorerie.
Ces changements provoqués un retour de la vigne, très présente dans la région avant le phylloxéra. Deux exploitations se trouvent dans le Sud de l'Essonne, près d'Étampes. Près de Versailles, un vigneron du Bordelais a lancé un vignoble de 15 hectares. Dans le même esprit, les maisons du champagne achètent maintenant beaucoup de terres en Angleterre.
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En raison de l'épidémie de Covi-19 et du confinement
notre prochain "Rendez-vous Territoire" du 25 mars est reporté
Nous avions prévu de tenir notre AG annuelle le 16 mai
Si cette date doit être changée, nous vous tiendrons au courant
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