Le Préfet de l’Essonne avait attiré l’attention de notre Directeur Michel Colot sur un sculpteur, Charles Matton, habitant le Coudray-Monceau chez qui il avait passé quelques soirées sympathiques. Ce sculpteur était fasciné par la plastique du rhinocéros, en faisait de toutes les tailles. Il en avait fabriqué un énorme dans le fond de son petit jardin, il lui servait d’atelier. Notre directeur qui aimait bien vivre et qui comme le préfet partageait une attirance certaine pour les artistes (sortes de bouffons des rois) s’était enthousiasmé pour le rhinocéros et m’emmena le voir pour réfléchir ensemble où nous pourrions en mettre un dans la ville. L’artiste était talentueux et toutes ses études sur les rhinocéros passionnantes. Il fut décidé de mettre l’animal sur le point haut du parc des loges. Sa silhouette se détacherait dans le ciel comme celle des taureaux publicitaires sur les routes d’Espagne. Notre Directeur, passionné, faisait son affaire du financement, ne demandait rien à personne. Il s’assura de l’accord des élus qui acceptèrent du bout des lèvres ce qu’ils considéraient comme une « folie » de notre directeur. Un contrat fut passé avec le sculpteur qui commença les travaux en mai, et avant de partir en vacances, on pouvait voir la silhouette du rhinocéros qui devait être livré à la rentrée.
Vers le vingt août la presse nationale annonçait « l’explosion d’un rhinocéros à Evry »
Le rhinocéros avait, en effet, été dynamité en pleine nuit et réduit en mille morceaux. Il n’y eu aucune revendication sur cet attentat si ce n’est celle d’une destruction symbolique de ce qui pouvait symboliser un char israélien ? L’enquête de police n’apportera aucune explication. On dira que l’artiste peu satisfait de son œuvre l’aurait dynamité lui-même ? Une affaire d’assurance ou de gros sous ? L’artiste fut très modestement indemnisé autant que je m’en souvienne. La reconstruction du rhinocéros ne fut pas envisagée.